La vitrine

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La vitrine / limoges

A l’invitation de Jean-Marc Berguel, Eric Gouret est intervenu à La vitrine pour une exposition où coexistent leurs nouveaux projets. S’il y a des complicités entre ces deux artistes autour de certaines préoccupations formelles (la structure, la trame), d’autres se dessinent plus particulièrement à la faveur de cette entreprise.

C’est dans une mise en tension du visible que travaille Eric Gouret. Il appartient comme Stéphane Dafflon et Christophe Cuzin à une génération d’artistes dont on observe avec bonheur depuis une dizaine d’année la pratique d’une peinture toute décomplexée. Dans cette nouvelle donne, les règles du jeu se sont assouplies en s’ouvrant aux motifs et matériaux des arts appliqués, ainsi qu’en élargissant les lieux où la peinture peut prendre corps. Assumant le décoratif, n’hésitant pas à employer des motifs psychédéliques ou pop, Eric Gouret entretient une certaine prédilection pour des effets visuels colorés aux camaïeux tendres ou à l’intensité mordante. Les matériaux qu’il emploie reflètent une légèreté amusée face à la pratique picturale : plastique, scotch, perles des colliers d’enfants…

Sa pratique prend résolument en compte le contexte. Héritier de Buren, il a les yeux tournés vers son environnement direct, privilégiant l’espace physique à celui du tableau. C'est ainsi que lors d'une précédente intervention, il s'était inscrit en porte à faux avec l’architecture d’un lycée nazairien, revigorée par l'intrusion de surfaces vitrées aux tons chauds. De manière plus discrète, dans le parc du Thabor à Rennes, des lignes sobrement colorées venaient souligner le quadrillage de la façade classique d'une ancienne orangerie. A Limoges, Eric Gouret intervient directement sur la vitrine, sa jumelle voisine et la palissade qui les sépare en y installant l’image d’un rideau géant et coloré. Les bandes de scotch vertes, oranges, rouges ou blanches évoquent un store vénitien ouvert. Dans la rue si pentue, le dessin d’une perspective semble avoir été introduit tel quel. Il y restera jusqu’à ce que peut-être d’autres affiches viennent le recouvrir. L’intervention de l'artiste s’inscrit avec la modestie nécessaire d’une négociation permanente avec l'espace public.

Cette forme de générosité et d'échange, d'abandon des limites intransigeantes au bénéfice du mouvement constant, nous la retrouvons dans les jeux de surfaces tout en transparences colorées qu'il affectionne et d'une autre manière dans la manifestation d'une certaine curiosité pour le changement de contexte. Dans la galerie, les murs sont recouverts de tapisseries imprimées en noir et blanc où de gros pointillés pop rappellent les vignettes de BD outrageusement agrandies par Roy Lichtenstein. À ces pois viennent se juxtaposer des hachures. Il s’agit là encore d'anciennes trames d’imprimeries, désormais employées par les mangakas pour créer un fond derrière leurs personnages. Eric Gouret poursuit la migration de cette donnée technique en motif décoratif.

L’effet visuel qui résulte de son intervention est proche de l’op’art. Dans l’espace brouillé, fragmenté, les images semblent osciller et détromper la rigidité de la paroi. Plus loin, des rubans adhésifs noir dessinent des formes géométriques sur des néons dont la lumière trop vive irrite l’œil. Flatteuses ou agressives, hors d’échelle, parfois jouant d’illusions d’optiques, les œuvres d’Eric Gouret instaurent ainsi un rapport de force constant entre la séduction et la mise en déroute de notre perception.